En Cavale avec Guillaume Chauvin

L'amour + la cathédrale

  • CAVALE

02/02 - 03/02/2019

© Guillaume Chauvin
Informations et inscriptions :  03.88.23.63.11

Que ta volonté soit fête

“Quand Stimultania m’a proposé une cavale, j’en rêvais d’une vraie, avec banques braquées, gyrophares, hauts-fonctionnaires mitraillés et générique final défilant dans les yeux d’une foule émue. On me suggéra plutôt un atelier photo apparement loin de mes préoccupations, souvent coincées entre tranchées séparatistes et « cas sociaux » : cette fois, direction l’amour. On m’y coupla aussi un lieu loin de mes habituels collèges privés et soldats souriants : la Cathédrale de Strasbourg… Raison de plus pour accepter (h+0).

Les participants ne se sont pas pressés. Probablement rassurés ni par ma non-notoriété ni par sa publicité rose bonbon sûrement prise au sérieux (h+1)… Les courageux (dont une courageuse) se nomment Julia, Thomas, Enzo et César, et viennent parfois même d’un autre pays. Avant de partir cavaler dans les stocks scellés de ces lieux saints (h+2), ces photographes ont rencontré d’autres oeuvres, où se touchaient aussi amour, édifices et spiritualité : Abelardo Morell, Taiyo Onorato & Nico Krebs, Michael Wesely, Martin Parr, Richard Billingham, Miroslav Tischy, Jim Goldberg, Antoine d’Agata, Anna & Bernhard Blume, Kotori Kawashima, Sally Mann, Christina de Midell, Markus Brunetti ou Olivier Roller, lui même de retour de cavale en montagne. (h+3). Notre mission à nous : éviter l’amour niais de la saint Valentin et des fleuristes, ainsi que la cathédrale des touristes et des béats. Aux photographes maintenant de s’approprier le tout (h+5).

Près du bénitier, la diffusion d’un très long « chhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhht » nous accueille, suggérant aux foules de faire en silence leurs selfies sur fonds de cathédrale. Pourtant le directeur de sa conservation nous a rappelé que le bâtiment était à l’époque médiévale un lieu de vie publique, avec conversations, prostitution, marché aux bestiaux, foin, bouses et cris de vie, loin de l’actuel silence forcé. Chaque église avait alors son dieu, et même des photographes y auraient eu leur place. Ces bâtisses, comme autant de prières de pierres, étaient d’un raffinement aussi extrême qu’inédit. Des égos fous les financèrent, bien que les usagers soient humbles ou illettrés… Ce grand tout édifiant, sidérant, que ni les mots ni les chants ne sauraient rendre, nous devons tenter de le suggérer par la photo. Chemin de croix et de pixels. (h+6)

Nous partons errer dans les ateliers de restauration de l’œuvre Notre Dame, exceptionnellement vides de ses artisans et de leurs bruits d’outils (h+8). De ces coulisses sortiront d’inattendus clichés (h+10) : des natures mortes fulgurantes à la statuaire étonnement érotique qu’inspire ce décor de corps en pierre… Les photographes révèleront une banalité impressionnante et plus émouvante qu’un opéra bien rodé. Leurs clichés ne proposent ni question ni réponse, mais des lectures sensibles et variées, parallèles entre elles comme aux miennes (h+12). Un seul contexte traité par autant de regards cavaleurs, et des instantanés prélevés sur ce réel déjà figé, où encore une fois le visible s’affirme plus mystérieux que l’invisible (merci Oscar Wilde). Nous fûmes bénis, j’en fus ravi (h+13).

Au final, cette cavale permit aux silences rencontrés de se faire plus forts (h+22). Cernée de tonnes de grès rose, elle se boucla dans le calme, sans rafale ni sirène, sans même de bavardages visuels, mais étonnement riche en évidences visuelles improvisées. Il a fallu le voir pour le croire (h+24). J’achève ce texte le jour où une autre cathédrale brûla : à Paris, avec quand même foules émues, gyrophares et hauts fonctionnaires en larmes. (h+X).”


Diplômé de l’école supérieure des Arts décoratifs de Strasbourg (actuelle Hear), Guillaume Chauvin travaille comme auteur photographe et rédacteur, questionnant la subjectivité des images et affirmant son « point de vue documenté ». Établi un temps en Russie, il a depuis publié dans la presse nationale et internationale (Le Monde, Feuilleton, 6 Mois, Paris Match, Desports, Zut, Réponses photo). Parallèlement à cela et à ses interventions publiques (Arrêt sur image, France culture, le Mouv’, Amnesty international, Faculté de Versailles), il développe un travail d’écrivain (éditions Allia), et d’éditeur indépendant (Les éditions m’habitent). Ses travaux ont été exposés aux Rencontres d’Arles (Fr), à la Faculté de journalisme de Moscou (Rus), aux galeries Stimultania (Fr) et Artnews project (Ger), au Ceaac (Fr), et acquis par l’Artothèque de Strasbourg.