ÉVÈNEMENTS AUTOUR DE L’EXPOSITION
REVUE DE PRESSE
Exposition soutenue par la DRAC Grand Est, la Région Grand Est et la Ville de Strasbourg.
En partenariat avec La Résidence 1+2, soutenue par le ministère de la Culture, l’ADAGP, le CNRS, STIMULTANIA Pôle de photographie, la CASDEN, et PICTO FOUNDATION, avec les partenaires médias Fisheye et Sciences et Avenir – La Recherche.
La Résidence 1+2, le ministère de la Culture, l’ADAGP, le CNRS, Stimultania Pôle de Photographie, la CASDEN et PICTO Fondation s’associent pour présenter les deux premiers lauréats du prix Photographie & Sciences (dont le Délégué Général est Philippe Guionie, directeur de la Résidence 1+2 à Toulouse).
Paris, le jury se réunissait pour la seconde fois. Chacun avait ouvert ses dossiers sur les finder ou étalé des piles de papiers noircis. On se mettrait d’accord dans trois heures, mais, pour le moment, on avait nos idées, des préférences déjà. Philippe Guionie tenait le rôle de l’hôte attentif et fraternel. C’était la seconde fois et j’avais pensé au champagne, pour célébrer le premier. Tout est réglé avaient-ils dit, après, en se serrant les mains. Ce sera saisissant. Et ils le pensaient vraiment.
Donc, ils étaient deux. Le premier avait été nommé un an auparavant. Il avait eu envie de partir loin parce qu’il avait décidé que son projet était là-bas et que cette île serait une allégorie du monde. Nauru, avait-il dit simplement. Il avait peut-être envie de voir l’océan (les rocs abrasifs et les palmiers desséchés). Mais personne n’y entrait jamais, sur cette île, et il avait dû attendre des mois pour avoir un visa. Plus tard, le jury avait accroché sa carte postale. Raconte, avais-je dit. Il avait raconté.
La seconde savait très bien. Du ciel elle avait plongé ses yeux dans la mer. Elle avait lu quelque part que les cinq mille milliards de microplastiques sous-marins étaient plus nombreux que les étoiles de notre galaxie. Et elle n’avait plus pensé qu’à ça. Foudroyée. Patiemment, elle avait décidé de répertorier les micro-organismes des océans. Elle constituerait un herbier abyssal et voyait déjà la mise en scène : il n’y aurait pas de méduses de verre mais des phyto et zooplanctons en suspension (comme des prélèvements).
Quelle belle idée que ce prix, Philippe.
Un jour, nous nous dirons : il vaudrait mieux ne plus penser à cette île naufragée et aux particules, à ces deux artistes et aux scientifiques à leurs côtés, mais comment les oublier ?… Salut, il est beau votre travail mais ça me fait tout de même de la peine.
Céline Duval
Richard Pak, lauréat 2021, poursuit son cycle Les îles du désir. Après La Firme (Tristan da Cunha, 2016-2017) et L’archipel du troisième sexe (Polynésie, 2022), L’île naufragée (Nauru, 2022-2023) en est le troisième chapitre. La série raconte les paysages ravagés de la micro-nation de Micronésie, dévastée par une extraction abusive de phosphate. Manon Lanjouère, lauréate 2022, a passé un mois à bord de la goélette scientifique Tara entre Salvador et Rio de Janeiro pour observer les recherches sur les microbiomes. Elle poursuit son projet intitulé Les Particules à la Station Biologique de Roscoff. Ce projet met en lumière la pollution plastique de l’océan et son impact sur les micro-organismes. Les deux lauréats ont produit des œuvres sublimes et déconcertantes, devant lesquelles le regardeur passe de l’émerveillement à la sidération.
L’île naufragée
Nauru, en Océanie, est passé en moins de vingt ans du pays le plus riche à l’un des plus pauvres au monde. L’histoire de la plus petite république du globe ressemble à s’y méprendre à une fiction littéraire dans laquelle folie des grandeurs et cupidité auraient transformé une île paradisiaque en un désastre écologique, économique et social.
Le Prix Photographie & Sciences a permis à Richard Pak d’approfondir, avec l’aide du laboratoire CIRIMAT (CNRS, Toulouse), un procédé chimique expérimental qu’il avait mis au point, consistant à soumettre les négatifs photographiques à une solution d’acide phosphorique. À l’image de l’île, ces originaux ainsi « sacrifiés » dans le phosphate en ressortent irrémédiablement transformés et appauvris. Le rendu esthétique nous emporte vers la (science) fiction ou la fable mythologique.
Les personnages de L’île naufragée, des princes et des princesses, des haltérophiles et des reines de beautés, sont accompagnés par un ballet de balayeuses qui peinent à chasser la poussière de phosphate de la surface de l’île. Des carcasses de voitures rouillées et des stations-service abandonnées défilent en boucle tout au long de l’unique route circulaire du pays, comme les icônes oxydées d’une société court-termiste.
L’artiste a également sollicité une géographe et un spécialiste des relations internationales à qui il a demandé si Nauru pouvait être vue comme une allégorie de la planète entière ou si le cas était trop particulier. L’exposition à Stimultania révélera leurs réponses respectives.
L’île naufragée a également reçu le soutien financier du Cnap (Soutien à la photographie documentaire contemporaine, 2020) et de La Fondation des Artistes (Aide à la production d’œuvres d’art, 2020).
Les particules
Les particules se propose de rentrer dans la couche immobile des eaux, de lever le linceul sur les peuples invisibles et de plonger le spectateur dans un abîme de réflexion.
Que cela soit à bord de la goélette scientifique Tara ou à la station biologique de Roscoff, Manon Lanjouère a pu découvrir les organismes microscopiques peuplant l’océan. Au travers de ses discussions avec les scientifiques et l’exploration visuelle – via des technologies telles que la microscopie optique, la microscopie électronique à balayage et/ou la microscopie 3D à fluorescence ainsi que l’accumulation d’images de référence qu’elle a collectées en bibliothèque – l’artiste a appris la composition du phytoplancton (ADN, chlorophylle, etc.) et son importance dans l’organisation de notre écosystème. Macro et microalgues, étudiées à la Station biologique de Roscoff, sont en effet à l’origine de 40 % de l’absorption du dioxyde de carbone et de plus de 60 % de la production d’oxygène, un bilan phénoménal et glaçant compte-tenu de leur vulnérabilité face aux microplastiques.
Manon Lanjouère invente ici la composition du monde de demain : les matériaux plastiques, récupérés sur les plages ou dans les poubelles, deviennent la nouvelle forme représentative des microbiomes et planctons. L’emiliania huxleyi devient une agglomération de passoires de douche, le guinardia striata un simple élastique à cheveux, le licmophora un ensemble d’agitateurs de boissons…
S’inspirant de l’herbier British Algae d’Anna Atkins, ou encore des sublimes planches d’Ernst Haeckel, ses productions ne sont qu’une tension dialectique entre le sublime et le dérisoire d’une nature abîmée par la main de l’homme. Oscillant entre une posture scientifique, documentaire et plastique, Manon Lanjouère utilise le procédé du cyanotype sur verre et y ajoute de la peinture fluorescente pour rappeler la bioluminescence de certaines espèces de planctons. Le visiteur tombe en plein délire psychédélique : les pièces, colorées à la lumière blanche, s’illuminent au passage de la lumière noire.
Richard Pak est un auteur pluridisciplinaire né en France en 1972. Son oeuvre protéiforme et en constante évolution refuse obstinément la catégorisation. Photographie documentaire, recherches plastiques, convocation du récit ou de la vidéo font que Richard Pak nous entraine rarement là où on l’attend. Dès ses premières séries il s’est intéressé à représenter l’intimité dans les sphères privées (Pursuit, Les Frèrespareils) et publiques (Les Fiancés, Je ne croirai qu’en un Dieu qui danse). Et quand il partage le quotidien de ceux qu’il photographie c’est pour s’affranchir de la frontière entre le regardeur et le regardé, du dedans et du dehors. Observer comment vivent ses contemporains et représenter la struggle for life tissent le fil conducteur de ses recherches artistiques mais il s’intéresse également à la question du paysage photographique. Curieux de la complexité du monde et amoureux des lointains, il a entamé une anthologie sur l’espace insulaire : « l’île est le siège fictionnel de l’utopie, le laboratoire idéal des sciences modernes et un topos précieux pour le géographe, qui aime y voir une métonymie de la Terre ». Le premier chapitre de ce cycle (Les îles du désir) nous emmène à Tristan da Cunha, en plein Atlantique sud (La Firme). Ses photographies font partie de collections publiques et privées dont celle de la Bibliothèque Nationale de France.
Née en 1993, Manon Lanjouère vit et travaille à Paris. Après un parcours en Histoire de l’Art à la Sorbonne elle décide de se consacrer pleinement à la photographie et intègre l’école des Gobelins en 2014 d’où elle sort diplômée en 2017 dans les majors de sa promotion. De part son évolution parallèle au sein d’un théâtre parisien, sa pratique de la photographie est marquée par la mise en scène et le décor et tend à évoluer vers une pratique multiple, mélangeant sons, photographies, installations, sculptures. Son travail guidé par la lecture s’attache à dépeindre des mondes fictifs. La distance avec le récit impliquée par l’utilisation des expressions scientifiques, bien qu’il ne s’agisse le plus souvent que de simples vulgarisations ou ré-interprétations, permettent ainsi au spectateur de s’approprier les histoires qu’elle met en scène. Le scientifique et le poétique, pourtant diamétralement opposés, sont les deux moteurs de sa recherche artistique. Dans les différents sujets qu’elle aborde, la tentative de comprendre l’interaction entre le paysage et l’humain reste central.
POUR ALLER PLUS LOIN
PODCASTS
Afin de poursuivre le dialogue entamé par le Prix Photographie et Sciences, des scientifiques sont invités par la délégation régionale du CNRS à porter leur regard sur L’île naufragée de Richard Pak et Les particules de Manon Lanjouère.
Réalisation : Magali Sarazin pour la délégation Alsace du CNRS
Montage : Campus FM Toulouse et Philippe Guionie pour le Prix Photographie & Sciences
Invités : Frédéric Bolze, biochimiste au Laboratoire de conception et application de molécules bioactives (CAMB), unité de recherche du CNRS et de l’université de Strasbourg
Sandrine Glatron, géographe du CNRS au Laboratoire interdisciplinaire en études culturelles (LinCS), unité de recherche du CNRS et de l’université de Strasbourg et directrice de la Zone atelier environnementale urbaine de Strasbourg
Luc Averous, chimiste à l’Institut de chimie et procédés pour l’énergie, l’environnement et la santé, ICPEES, unité de recherche du CNRS et de l’université de Strasbourg, et professeur à l’École européenne de chimie, polymères et matériaux, ECPM, école d’ingénieur de l’université de Strasbourg