Quel rapport entre un squelette de rorqual reconstitué, des coraux blanchis et une plage semblant isolée, si ce n’est l’influence des sociétés humaines ? Dans l’exposition Lisières, Vincent Chevillon explore les territoires frontières, ceux qui se construisent à la marge, à la limite souvent poreuse entre deux milieux. C’est là que ses photographies se situent, entre différents mondes.
Menant à la fois un projet artistique et une véritable enquête ethnographique, Vincent Chevillon écume depuis plusieurs années les collections des muséums d’histoire naturelle des villes de Strasbourg, Liège, Bruxelles, ou encore Mons. Ces musées sont de véritables cabinets de curiosité du 19ème dans lesquels il plonge, appareil le premier, pour immortaliser la deuxième vie de mammifères, oiseaux, et autres créatures parfois plus énigmatiques.
À travers les pièces conservées dans ces musées, l’artiste questionne notre relation au monde et à la nature, notre manière de nous en servir, de l’asservir à nos désirs. Dès l’entrée de l’exposition, le visiteur est accueilli par un monumental boeuf musqué : il est placé là, tel un Lamassu, grande figure protectrice de la tradition akkadienne. Mais, à l’ère de l’anthropocène*, si chacun prenait ses responsabilités, à qui le rôle de gardien des vivants devrait-il revenir ? Dans cette dualité permanente fascination/muséification qui pétrit l’être humain, Vincent Chevillon nous montre, d’un côté, ces créatures confinées, tandis que de l’autre, il nous emmène au grand air, dans les forêts, sur les plages archipélagiques**.
À l’image d’une carte heuristique***, l’artiste fonctionne par association d’idées. Chaque photographie puise son inspiration dans des terreaux toujours renouvelés, et les dispositifs qui en résultent sont par essence évolutifs et nourris de références variées. La photographie de Vincent Chevillon est quant à elle puissante ; la lumière sculpte les formes et les contrastes, créant des images d’une monumentale fragilité.
* ANTHROPOCÈNE : impact de l’homme : période actuelle des temps géologiques, où les activités humaines ont de fortes répercussions sur les écosystèmes de la planète (biosphère) et les transforment à tous les niveaux. On fait coïncider le début de l’anthropocène avec la période de la révolution industrielle, au 18è siècle (Larousse).
** ARCHIPÉLAGIQUE : relatif à un archipel. Eau baignant les archipels et dont le régime juridique est comparable à celui des eaux territoriales (Universalis).
*** CARTE HEURISTIQUE : diagramme qui représente les connexions de sens entre différentes idées, les liens hiérarchiques entre différents concepts. Synonymes : carte des idées, schéma de pensée, « mindmap », carte mentale, arbre à idées.
ATELIER “MISE EN BOÎTE”
Les photographies de Vincent Chevillon sont souvent compartimentées en de multiples espaces, à l’image des boîtes d’entomologie contenant les papillons et les insectes dans les musées, ou des sites de carroyage* lors de recherches archéologiques. Cette répartition permet à l’artiste d’évoquer ces dispositifs de muséographie ainsi que l’archéologie, mais crée également une impression d’étrangeté.
Après la mise en place d’un studio de photographie au sein même de l’exposition (selon l’âge des participants, cette mise en place était faite par les jeunes ou par Stimultania en amont), les participants réfléchissaient à une mise en scène leur permettant de ne révéler que des parties fragmentées de leur corps au moyen d’un mobilier divisé en cases. À l’aide des outils mis à disposition par Stimultania, ils pouvaient travailler sur les contrastes et la lumière dans leurs photographies et ainsi s’approprier la dimension technique d’une prise de vue. À l’image de réels archéologues, les participants plaçaient également un mètre à ruban à côté de leur composition finale pour s’immerger dans un contexte de fouille archéologique.
* CARROYAGE : en archéologie, le carroyage est une technique de quadrillage permettant de localiser l’endroit d’où a été extrait un objet, et de dresser la cartographie du lieu des fouilles (Wikipédia).
ATELIER “DESSINE-MOI UNE CHIMÈRE”
Dans cette exposition, l’artiste Vincent Chevillon présente plusieurs squelettes d’animaux mystérieux et imposants ; sur les photographies, les différentes parties du corps des créatures sont réparties dans plusieurs cases.
Dans un premier temps, les enfants étaient amenés à deviner de quel animal provenait l’un des squelettes. Ils l’étudiaient et interprétaient ce qu’ils voient. Puis, répartis en petits groupes de trois, ils dessinaient chacun une partie de cet animal (tête, milieu du corps, arrière du corps), et assemblaient les différentes parties de l’animal pour créer des chimères colorées et étranges.
Lors de la dernière partie de l’atelier, les enfants retournaient devant la photographie du squelette sélectionné pour découvrir de quel animal il s’agissait réellement, ceci grâce aux explications de la médiatrice.
Enfin, selon le niveau des enfants, ils photographiaient leur création à côté du squelette d’origine, en travaillant sur la profondeur de champ et la notion d’échelle, afin d’aborder des pratiques photographiques de base.