ENTRÉE LIBRE
MERCREDI – DIMANCHE
14H – 18H30
Exposition soutenue par la DRAC Grand Est, la Région Grand Est et la Ville de Strasbourg.
Italienne de naissance, Maïmouna Guerresi nous emmène dans un univers littéraire et pictural, tissé de signes, de traces et de graffiti. Entre la peinture et le dessin, elle dresse ses personnages devant de larges aplats picturaux, murs vides dont la présence crée une pesanteur et consolide la composition comme le socle soutient la sculpture. Cet espace est l’écrin idéal pour ses icônes soufies. Amples manteaux, robes escaliers, têtes couvertes de chapeaux minarets fabriqués selon la tradition des Baye Fall du Sénégal. Entre madones chrétiennes et signes laiteux de rituels africains, les personnages totémiques sont debout comme des proues de cathédrales gothiques.
Comme un sculpteur qui modèle la matière, Maïmouna Guerresi façonne des images, édifie des hommes et des femmes. Chaque costume, chaque chapeau et mise en scène est réalisé par l’artiste. Du manteau de Mahomet à la coiffe religieuse, en passant par le keffieh, le hijab ou encore le fez rouge. Aucun détail n’est laissé au hasard. Les lignes blanches sur les visages, réminiscences de rituels païens ; les costumes théâtraux et solennels évidés en leur sein ; les robes sculptures aux larges ouvertures avec, là une porte ouverte, ici un cercle béant, noir et profond ; les corps en apesanteur ou encore les chapeaux aux formes architecturales faits d’assemblage de bouts de tissus. Tout concourt à la portée symbolique de ces photographies sculpturales.
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Convertie à l’Islam, Maïmouna Guerresi s’imprègne du Baye Fall, une branche de la confrérie des Mourides marquée par la culture africaine et wolof, mais aussi du soufisme et de ces rituels. Elle mêle confusément expériences personnelles, mythes universels, traditions et références religieuses et nous en propose sa propre relecture. Minarets, prophètes, saintes, madones, danse soufie, Cène, primitivisme graphique et paganisme se conjuguent pour donner lieu à des images contemplatives. Figées, statufiées, elles soumettent le visiteur à des face-à-face intimes et l’invitent à faire l’expérience d’un voyage initiatique et ésotérique.
Exotiques et familiers, ces guides spirituels et marabouts d’Afrique nous entraînent dans des sphères intérieures. Tels des retables dressés sur l’autel, ils sont photographiés devant des murs sombres qui regorgent de fragments de symboles calligraphiés, de graffitis énigmatiques et figuratifs. Chaque œuvre symbolise un être ou une image mythique et légendaire qui, à elle seule, figure plusieurs provenances : judaïque, islamique et chrétienne. Dans la série des « Géants », la femme s’incarne. Minaret, supplique et Mère Nature, elle devient vectrice de spiritualité et lieu de sagesse. Et si les minarets, telles des forteresses solides, rappellent tous la prière et la splendeur de l’Islam, seul le Minaret Touba, par ses couleurs et ses formes, se démarque largement pour évoquer la Ville Sainte de Touba. Ainsi, The Mystic Black Body nous donne à voir une vision spirituelle et universelle qui transcende l’individualité culturelle, religieuse et politique.
Maïmouna Guerresi développe une esthétique poétique et spirituelle pleine d’allusions et d’associations qui mêle différentes pratiques artistiques : photographie, peinture scripturale, sculpture, installation. Au travers de ses œuvres, elle confectionne avec soin et imaginaire des réalités narratives et nous dévoile sa quête intérieure. Le mysticisme du soufisme. The Mystic Black Body, un souffle vital et harmonieux qui rejoint l’idée d’un cosmos parfait et équilibré dans ses différences et sa dualité.
Barbara Hyvert
Maïmouna Guerresi est photographe, sculpteur, auteur de vidéos et d’installations. Elle vit et travaille à Vérone, à Milan ainsi qu’à Dakar. Inspirée par le body art, elle développe un travail mélangeant symboles afro-asiatiques et iconographie classique occidentale. Elle est invitée à participer au pavillon italien lors de la Biennale de Venise (1982 et 1986) ainsi qu’à la Documenta K18 (1987). En 1991, installée au Sénégal, Maïmouna se convertit à l’Islam et change de nom. Cette conversion marque un tournant dans son travail.
En 2013, Maïmouna participe à la conférence “Black Portraiture[s] : The Black Body in the West”, organisée par les Universités de Harvard et de New York au Musée du Quai Branly à Paris. Elle expose au festival de photographie “Fragility “ – Chobi MelaVII au Bangladesh, à New Delhi et à Bombay. En 2012, elle expose au Musée National de Lagos, au Nigeria, au Goethe Institut pour la dixième Biennale de Dakar au Sénégal, à Milan, Turin et à Paris Photo. En 2010 elle expose à la Centrale électrique et à la Villa Empain à Bruxelles, à New York, Lisbone, Bologne, à Fez, Helsinki et Athènes. En 2009, elle participe à la Biennale Africaine de la Photographie au Musée National de Bamako au Mali. Maïmouna Guerresi vient de remporter le prix « Arte al Sostantivo Femminile », à la National Gallery of Modern and Contemporary Art de Rome.